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Rapport scientifique, 18 mai 2021

Texte en attente de traduction - Texte original en allemand 

Résumé

L’épidémie de SARS-CoV-2 en Suisse est actuellement en recul. On observe une diminution du nombre de cas signalés, d’hospitalisations et de décès. Cette situation est meilleure que les attentes que nous avions formulées dans notre rapport du 20 avril[1].

Nous examinons les raisons qui sont susceptibles d’être à l’origine du recul de l’épidémie que l’on observe en ce moment, et de l’écart par rapport aux attentes. Nous excluons que la diminution observée soit un artéfact dû à un changement de pratiques envers les tests de dépistage – tous les critères de mesures pertinents montrent une diminution. En l’état actuel des connaissances, une contribution importante au recul de l’épidémie et à l’écart par rapport aux prévisions pourrait avoir été apportée par des effets saisonniers plus importants que prévu, par une légère surestimation du taux d’infection de B.1.1.7 et par une surestimation de l’augmentation des contacts potentiellement infectieux après l’assouplissement des mesures d’endiguement. Ces facteurs sont encore à l’étude.

Les développements épidémiologiques actuels améliorent les perspectives d’un relâchement prudent des mesures d’endiguement tout en protégeant la santé de la population suisse. Avec l’augmentation de la couverture vaccinale et l’arrivée de l’été, il devient plus facile de protéger les gens contre l’infection avant qu’ils ne puissent être vaccinés. Si davantage de personnes sont vaccinées, le risque d’infection diminue également pour celles qui ne l’ont pas encore été. En outre, l’évolution des températures et du taux d’humidité à l’approche de l’été, ainsi que les changements de comportement que cela entraîne, contribuent également à réduire des contagions. Ces éléments permettent donc, en observant attentivement les indicateurs et les évolutions épidémiologiques, de continuer à assouplir prudemment les mesures sans que cela entraîne une augmentation du risque d’infection pour les personnes n’ayant pas encore eu accès à la vaccination.

Une valeur de mesure simple pour estimer le risque d’infection des personnes non vaccinées est l’incidence par rapport à l’ampleur de la partie non vaccinée de la population. Lorsque la couverture vaccinale augmente, la plupart des infections surviennent dans la partie de la population qui attend d’être vaccinée ou qui n’est pas (ou pas encore) éligible à la vaccination. Le risque d’infection pour ces personnes peut être estimé approximativement en normalisant l’incidence de l’infection par le SARS-CoV-2 avec la proportion de la population suisse qui n’a pas encore été vaccinée. Selon cette estimation, actuellement en Suisse le risque d’être infecté avant la vaccination diminue légèrement au fil du temps. Si le risque d’infection pour les personnes non encore vaccinées n’augmente pas, l’incidence globale de l’infection par le SARS-CoV-2 diminue avec le temps, à mesure que le nombre de personnes non encore vaccinées diminue.

Une telle baisse de l’incidence au cours de la période à venir présente un certain nombre d’avantages déterminants. Une incidence plus faible réduit la charge de morbidité et la fréquence des longues convalescences ; elle réduit la charge sur le système de soins de santé et augmente la marge de sécurité ; elle réduit l’émergence de nouvelles variantes et facilite leur identification précoce et leur contrôle ; enfin, elle facilite le contrôle de l’épidémie et le rend moins onéreux, car les poussées épidémiques peuvent être détectées plus rapidement et mieux endiguées. Une incidence plus faible permet également de rouvrir plus facilement et en toute sécurité les manifestations et les établissements.

Une incidence moindre permet également de protéger plus facilement les adolescents et les enfants de l’infection jusqu’au moment où ils pourront être vaccinés. La grande majorité des infections chez les enfants et les adolescents sont bénignes. Toutefois, si la majorité des enfants et des adolescents étaient contaminés par le virus, environ 40 jeunes sur 100 000 seraient atteints d’une maladie inflammatoire systémique grave et environ 20 sur 100 000 nécessiteraient des soins médicaux intensifs. Une faible incidence permet de maintenir à un bas niveau la circulation du SARS-CoV-2 chez les enfants et les adolescents jusqu’à ce que leur vaccination soit possible – sans avoir à maintenir des mesures d’endiguement draconiennes.

[1] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/

1. Situation épidémiologique

Différentes souches de SARS-CoV-2 circulent en Suisse ; parmi celles-ci, la variante B.1.1.7 est dominante. Les paramètres épidémiologiques généraux – nombre de cas, d’hospitalisations, taux d’occupation des unités de soins intensifs, nombre de décès – donnent une vue d’ensemble sans faire la distinction entre les souches individuelles. Dans l’ensemble, tous ces indicateurs pointent vers un ralentissement de l’épidémie. Les données issues de la surveillance des eaux usées constituent un indicateur important, indépendant du changement de pratiques. Les analyses des eaux usées de six emplacements[2] confirment les tendances épidémiologiques observées sur la base du nombre de cas.

1.2. Dynamique

Sur la base des données actuelles, nous estimons que l’épidémie de SARS-CoV-2 est en recul. La moyenne sur sept jours du taux de reproduction dans l’ensemble du pays est de 0,85 (0,72-0,98), ce chiffre reflétant le niveau de circulation du virus enregistré dans la semaine du 01.05 au – 07.05.2021[3].

Les estimations sur une base journalière du taux de reproduction effectif Re pour l’ensemble de la Suisse sont de[4] :

  • 0,84 (intervalle de confiance, IC de 95% : 0,69-0,99) sur la base des cas confirmés (au 07.05.2021).
  • 0,67 (95% IC : 0,52-0,83) sur la base des hospitalisations, au 02.05.2021. Pour une comparaison sur la base des cas confirmés, le Re est estimé à 0,87 (IC 95% : 0,77-0,97) pour le même jour.
  • 0,54 (95% IC : 0,25-0,94) sur la base des décès (au 25.04.2021). Pour une comparaison sur la base des hospitalisations, le Re est estimé à 0,77 (95% IC : 0,65-0,91) pour le même jour. Pour une comparaison sur la base des cas confirmés, le Re est estimé à 0,87 (IC 95% : 0,77-0,98) pour le même jour.

Les estimations pourraient être rectifiées en raison des décalages temporels des notifications et des fluctuations dans les données. Nous soulignons que les valeurs Re reflètent le niveau de circulation du virus qu’avec un décalage, car un certain laps de temps s’écoule entre l’infection et le résultat du test ou, éventuellement, le décès. Pour les valeurs Re basées sur le nombre de cas, ce délai est d’au moins 10 jours, et jusqu’à 23 jours pour les décès. Avec l’avancement de la vaccination, nous nous attendons à ce que, dans les semaines à venir, le nombre de reproduction basé sur les hospitalisations et les décès sous-estime la dynamique de la transmission.

En parallèle, nous déterminons la période de doublement ou de division par deux des cas confirmés, des hospitalisations et des décès au cours des 14 derniers jours[5]. Le nombre des cas confirmés a varié de -25% (IC : -10% à -38%) par semaine, le nombre d’hospitalisations de -32% (IC : -22% à -41%) et le nombre de décès de -33% (IC : 0% à -56%). Ces valeurs reflètent l’incidence de l’infection survenue il y a plusieurs semaines.

Notre dashboard permet de suivre la variation des chiffres pour le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès, stratifiés par âge[6]. Nous constatons une baisse des taux d’hospitalisation pour tous les groupes d’âge. Cette réduction est statistiquement significative pour les tranches d’âge 55-64 ans, 65-74 ans, et 75 et plus. L’effet de la campagne de vaccination est particulièrement visible dans la tranche d’âge des plus de 75 ans. Alors que le groupe des 75 ans et plus représentait environ 50% des hospitalisations lors de la deuxième vague (novembre 2020), cette part s’est réduite à 20% – 25% environ en avril 2021. Les hospitalisations des moins de 65 ans sont passées, quant à elles, de moins de 30% lors de la deuxième vague (novembre 2020) à plus de 60% en avril 2021.

1.3. Chiffres absolus

Le nombre cumulé de cas confirmés au cours des 14 derniers jours est de 217 pour 100 000 habitants. Le taux de positivité des tests est de 4,6%, et affiche aussi une tendance à la baisse (au 14.05.2021, soit le dernier jour pour lequel seules quelques notifications tardives sont attendues).

Le nombre de patients COVID-19 dans les unités de soins intensifs s’est situé, au cours des 14 derniers jours, entre 188 et 229[7] personnes (la variation était de -7% (IC : -1% à -12%) par semaine).

Le nombre de décès confirmés en laboratoire au cours des 14 derniers jours s’est situé entre 4 et 11 par jour[8].

1.4. Variantes – Vue d’ensemble

En Suisse, les variantes B.1.1.7 et B.1.351, initialement décrites au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, ont été identifiées pour la première fois au cours de la semaine 51 de 2020. La variante P.1 détectée à l’origine au Brésil a été identifiée pour la première fois en Suisse au cours de la sixième semaine de 2021. B.1.1.7 est maintenant la variante virale dominante et l’épidémie en Suisse est une épidémie B.1.1.7[9],[10]. Actuellement B.1.351 et P.1 ont chacun une fréquence inférieure à 2%[11]. La variante B.1.617, décrite à l’origine en Inde, est détectée en Suisse depuis la semaine 16 de 2021. Le premier échantillon avec cette variante est daté de la semaine 11 (mais a été ajouté plus tardivement à la base de données)[12]. À ce jour, moins de 50 cas de cette variante ont été détectés en Suisse. Parmi ceux-ci, 70% sont la sous-variante B.1.617.2, que Public Health England a classée comme une «variant of concern» (VOC), ou variante préoccupante. La variante B.1.1.7, qui a un taux de transmission plus élevé, est celle qui domine désormais. Des recherches menées au Royaume-Uni fin 2020 ont révélé que le taux de transmission de B.1.1.7 est nettement plus élevé que celui des souches de SARS-CoV-2 connues jusque là[13]. La caractérisation génétique d’échantillons aléatoires provenant de personnes testées positives en laboratoire en Suisse, ainsi que la caractérisation génétique systématique des échantillons dans le laboratoire de référence à Genève, permet de confirmer ce taux de transmission accru également sur la base des données suisses[14],[15] (43-52% sur la base de [16] (et 42-60% sur la base de[17]). Le risque d’une évolution sévère due à une infection par B.1.1.7 est observé dans plusieurs études. Une étude[18] menée au Royaume-Uni auprès de 1,15 million de patients suggère que la mortalité due à l’infection par B.1.1.7 est augmentée de 50%, tous les groupes d’âge confondus. Ce risque accru de B.1.1.7 est confirmé par d’autres études menées au Royaume-Uni[19],[20]. Les résultats d’une étude[21] menée au Danemark indiquent que, en cas d’infection par B.1.1.7, le risque d’hospitalisation est également accru. Par ailleurs, une nouvelle étude menée auprès de 341 patients – mais qui ne porte que sur les personnes hospitalisées – ne constate aucune augmentation de la mortalité[22]. Dans une autre étude évaluant les données d’une «COVID symptom study app», aucun passage à des symptômes plus sévères n’a été observé avec la propagation de B.1.1.7[23]. Dans les données suisses, on observe une tendance à l’augmentation du risque d’hospitalisation lorsqu’un patient est infecté par B.1.1.7[24]. En conséquence, avec la diffusion de B.1.1.7, les probabilités d’hospitalisation pour un résultat de test positif ont augmenté. Par exemple, une personne dont l’âge est situé de 50 à 59 ans dont le test est positif a un risque de 5,0% d’être hospitalisée en 2021 si elle est infectée par la variante B.1.1.7. Pour une personne infectée par une autre variante, ce risque est presque trois fois plus faible, soit 1,7%[25]. Les autres groupes d’âge de plus de 35 ans ont connu une évolution similaire (dans les groupes d’âge plus jeunes, les chiffres absolus sont trop faibles pour permettre des déclarations fiables). Les chiffres de décès des suites d’une infection par B.1.1.7 pour la Suisse sont trop faibles pour que nous puissions exprimer notre avis au sujet de la situation dans ce pays. On s’attend à ce que les vaccins à ARNm actuellement utilisés en Suisse soient également efficaces contre les nouveaux variants[26]. Sur la base des données issues de la caractérisation génétique, nous pouvons estimer la variation du nombre absolu de cas causés par B.1.1.7. Ce nombre absolu n’a cessé d’augmenter depuis début janvier et jusqu’à la mi-avril, alors que les autres variantes ont diminué[27]. Dans l’ensemble, le nombre de cas a diminué jusqu’à la mi-février ; depuis mars, B.1.1.7 est désormais dominant et le nombre total de cas ont augmenté jusqu’à mi-avril. Depuis lors, les chiffres sont de nouveau en baisse. Ce recul s’observe également dans nos pays voisins.

1.5. Nouvelles variantes – B.1.617

La deuxième vague d’infection qui touche durement l’Inde est dominée par la variante du virus B.1.617. B.1.617 est caractérisé par les mutations L452R et P681R dans la protéine spike. La B.1.617 est diverse et se divise en 3 sous-variantes qui sont apparues au milieu de l’année dernière. La variante B.1.617.2 a rapidement augmenté en fréquence et est la variante dominante, en particulier dans l’ouest de l’Inde. Une augmentation rapide des cas de B.1.617.2 a également été observée au Royaume-Uni depuis le début du mois d’avril, à la suite de laquelle la variante a été classée comme «variante préoccupante» par le Public Health England (PHE,[28]) et l’OMS[29]. Les premiers résultats de laboratoire indiquent que la variante est bien reconnue par les anticorps, mais avec des titres un peu plus faibles que les variantes précédentes. Il n’existe pas de résultats fiables sur la transmissibilité, mais les mutations L452R et P681R peuvent affecter la liaison au récepteur ACE2 et le clivage par l’enzyme humaine furine (et donc l’absorption dans les cellules humaines) et, ainsi, potentiellement modifier les propriétés du virus. L’augmentation rapide au Royaume-Uni et la dynamique de l’infection en Inde témoignent d’une transmissibilité plus élevée. La hausse constatée au Royaume-Uni peut aussi s’expliquer en partie par le retour de nombreux voyageurs d’Inde. Mais aussi par la diversité et l’ancienneté de la variante : s’il est vrai qu’elle se transmet beaucoup plus rapidement, elle aurait dû devenir dominante plus tôt. Si un seul sous-groupe a changé, celui-ci devrait l’emporter sur les autres. Mais, en fait, il existe de nombreuses sous-variantes diverses. Les données actuelles étant encore fragmentaires, il faudra surveiller étroitement l’augmentation au Royaume-Uni dans les semaines à venir, surtout compte tenu du fait que la vaccination y est déjà plus avancée et que B.1.1.7 est toujours dominant. Le séquençage du génome a permis jusqu’à présent de détecter 14 cas de B.1.617.1 et 30 cas de B.1.617.2 en Suisse. Il est important de suivre de près la circulation du B.1.617 en Suisse.

2. Facteurs possibles influençant la baisse de l’épidémie en Suisse

L’assouplissement des mesures d’endiguement du 19 avril n’a pas entraîné d’augmentation des cas de SARS-CoV-2. Nous nous attendions, suite à ces assouplissements, à ce qu’il y ait un risque important de vague pandémique majeure[30]. Cette évaluation était basée sur deux points : premièrement, la mesure d’allégement a été décidée à un moment où le nombre de cas augmentait. Comme cette mesure entraînait une augmentation des possibilités de contact (potentiellement infectieux), nous nous attendions à un risque d’augmentation de la vitesse de progression. Deuxièmement, nous avons tiré la conclusion, à partir de notre modélisation, qu’une évolution probable était une tendance à l’augmentation[31]. On peut donc se demander quels sont les facteurs à l’origine de la baisse du nombre de cas constatée en Suisse depuis l’avant-dernière semaine d’avril. Par ailleurs, une tendance similaire peut être observée dans les pays environnants (figure 1). Nous examinons ci-après les facteurs qui ont pu contribuer à la baisse observée et à l’écart par rapport aux attentes. Comme indiqué précédemment dans notre rapport scientifique[32], un certain nombre de facteurs ont une incidence majeure sur l’évolution attendue de l’épidémie, notamment l’augmentation de l’immunité grâce à la vaccination et à la guérison, les réactions comportementales de la population suisse aux mesures (et aux modifications des mesures), les effets saisonniers, le taux de transmission exact de la souche B.1.1.7 actuellement dominante du SARS-CoV-2, ainsi que la stratégie et les pratiques en matière de dépistage en Suisse. Les incertitudes liées à l’estimation de ces facteurs, et à leurs éventuelles interactions, peuvent avoir un impact significatif sur les résultats des modèles épidémiologiques. Nous examinons ci-après les facteurs les plus importants.

[Légendes : Axe vertical : Nombre de cas confirmés par jour par million d’habitantes et d’habitants
Courbes : rouge : France vert : Suisse bleu : Italie orange : Autriche]

 

Figure 1 : Cas de SARS-CoV-2 signalés par jour pour 1 000 000 d’habitants en Suisse, en France, en Allemagne, en Italie et en Autriche du 4 février au 15 mai 2021. Source : Johns Hopkins University CSSE COVID-19 Data (licence creative commons)

2.1. Une sous-estimation due à des changements dans la stratégie de dépistage ? La première question à se poser est de savoir si les changements de stratégie de dépistage au cours des dernières semaines ont masqué les évolutions épidémiologiques. Depuis le

La première question à se poser est de savoir si les changements de stratégie de dépistage au cours des dernières semaines ont masqué les évolutions épidémiologiques. Depuis le 7 avril, des autotests sont à la disposition de la population suisse pour les situations où une personne ne présentant pas de symptômes et n’ayant pas de contact avec des personnes infectées souhaite se tester ; si le résultat est positif, il faut alors passer un test de diagnostic standard. Si les autotests ne sont pas réalisés conformément à ces instructions, cela peut entraîner une sous-estimation du nombre des personnes dont le test est positif (sous-déclaration) : certaines des personnes infectées symptomatiques ne sont pas incluses dans les statistiques. Trois arguments suggèrent que le déclin observé de l’épidémie n’est pas dû à un phénomène de sous-déclaration. Premièrement, le recul de l’épidémie est également constaté dans le nombre d’hospitalisations[33]. Deuxièmement, la baisse est détectable aussi dans les analyses d’échantillons provenant des stations d’épuration des eaux usées[34]. Et troisièmement, on peut s’attendre à ce que l’effet d’une telle sous-estimation soit temporaire – une fois qu’un nouveau comportement de dépistage s’est établi pendant plus de deux semaines, l’estimation du nombre de reproduction convergerait à nouveau vers la valeur réelle. L’autodiagnostic ayant été introduit en Suisse le 7 avril 2021, cela ne peut pas expliquer la baisse continue observée du nombre de cas et du nombre de reproduction. Selon ces considérations, on peut croire que la diminution du nombre de cas actuellement observée en Suisse est basée sur une réduction réelle du nombre d’infections. Naturellement, un dépistage plus intensif, y compris l’introduction de l’autodiagnostic, ainsi que la rupture des chaînes d’infection qui en a résulté, peut avoir contribué à ce déclin. Cependant, des estimations antérieures[35] suggèrent que l’intensification des dépistages ne peut expliquer à elle seule cette baisse. Nous examinons donc dans les sections suivantes quels autres facteurs ont pu jouer un rôle important.

2.2. Influence des facteurs saisonniers

Plusieurs études ont examiné l’influence des facteurs saisonniers sur la transmission du SARS-CoV-2 (par exemple,[36] ; pour une analyse, voir [37]). Les infections par des virus respiratoires présentent souvent un caractère saisonnier. Les exemples les plus connus sont les vagues de grippe et de coronavirus communs, qui se produisent dans les zones tempérées principalement en automne et en hiver[38]. Les raisons de ces effets saisonniers ne sont pas encore totalement comprises, même pour des virus bien connus, tels que celui de la grippe[39]). L’une des difficultés de l’analyse des effets saisonniers est que les facteurs climatiques peuvent avoir des effets non linéaires sur la transmission et que différents facteurs peuvent interagir, comme nous le verrons plus loin. La saison peut influencer la transmission du SARS-CoV-2 principalement de trois manières[40] : i) par les effets directs des facteurs climatiques sur l’inactivation et la transmission du virus ; ii) par l’influence de ces facteurs climatiques sur la susceptibilité humaine à la maladie ; iii) et par une influence sur le comportement humain, par exemple parce que les contacts à l’extérieur comportent un risque de transmission beaucoup plus faible qu’à l’intérieur. L’influence des facteurs saisonniers sur la pandémie de COVID-19 et sur l’évolution de l’épidémie en Suisse commence seulement à être comprise. Plusieurs facteurs complexifient la détermination de cette influence. Premièrement, certains facteurs météorologiques ont une influence complexe sur la transmission des virus respiratoires. Par exemple, des indices montrent qu’à 20 degrés Celsius, le taux de transmission des virus respiratoires commence par diminuer lorsque l’humidité relative passe de valeurs faibles à moyennes, puis augmente lorsque l’humidité relative s’accroît davantage, et enfin diminue à nouveau lorsque l’humidité relative atteint des valeurs très élevées[41]. Deuxièmement, il existe des interactions entre les facteurs météorologiques : à 5 degrés Celsius, la relation entre l’humidité relative et le taux de transmission change fondamentalement, et la transmission diminue de façon linéaire avec l’augmentation de l’humidité relative[42]. Troisièmement, le taux de transmission du SARS-CoV-2 dépend des conditions à l’intérieur (où se produisent la plupart des transmissions), qui diffèrent des conditions à l’extérieur. Quatrièmement, l’effet des facteurs météorologiques sur le taux de transmission du SARS-CoV-2 dépend d’autres aspects, tels que les mesures d’endiguement actuellement en place ; celles-ci influencent la fréquence des contacts potentiellement infectieux à l’intérieur et à l’extérieur, et donc les variations de la fréquence de ces contacts dues aux changements météorologiques. En résumé, cela signifie que les facteurs saisonniers jouent un rôle (peut-être important) dans le déclin de l’épidémie ; or, l’étendue de cet effet ne peut être quantifiée avec précision pour le moment.

2.3. Taux de transmission de B.1.1.7

Le taux de transmission de B.1.1.7 détermine la dynamique de l’épidémie en Suisse. Depuis la mi-février, B.1.1.7 est la souche dominante du SARS-CoV-2 en Suisse. Des études internationales et des analyses basées sur les données suisses montrent un net avantage de transmission de B.1.1.7 par rapport aux souches virales qui étaient dominantes l’année dernière. L’étendue exacte de cet avantage de transmission a un effet majeur sur le développement attendu de l’épidémie en Suisse. Pour le rapport scientifique du 20 avril 2021, nous avons modélisé des scénarios avec un bénéfice de transmission estimé à 63%, basé sur un étalonnage avec des données de la Suisse jusqu’au 6 avril 2021[43]. Il est important de noter que cette valeur – l’avantage de transmission dans le modèle épidémiologique basé sur les individus – n’est pas assimilable à la hausse du taux de transmission estimée à partir des données de population telles que représentées, par exemple, ici[44]. L’analyse de sensibilité du modèle a montré que des modifications modérées de l’avantage de transmission dans le modèle basé sur les individus (par exemple, de 60% à 50%) entraînent des modifications importantes du résultat épidémiologique attendu[45]. L’incertitude dans l’estimation de l’avantage de la transmission peut donc contribuer à la divergence entre les scénarios et le développement observé.

2.4. Dans quelle mesure l’effet de l’assouplissement des mesures d’endiguement sur la fréquence des contacts potentiellement infectieux peut-il être quantifié par des indices de rigueur ?

L’impact des mesures d’endiguement sur l’évolution de la pandémie dépend du degré auquel les mesures d’endiguement influencent la fréquence des contacts potentiellement infectieux entre les personnes. Le lien entre les mesures d’endiguement et les contacts est établi en calculant ce que l’on appelle des indices de rigueur, ou Stringency Index. Le plus connu de ces indices est calculé et publié par des chercheurs de la Blavatnik School of Government de l’Université d’Oxford. Au printemps 2020, ces politologues et ces spécialistes des données ont commencé à créer des indices pour comparer la rigueur des mesures d’endiguement contre le SARS-CoV-2 entre les différents pays ainsi que dans le temps. Afin de mieux refléter les différences régionales en Suisse, le NCS-TF utilise des versions adaptées à la situation de ce pays[46]. Ces indices de rigueur sont utiles, mais par la force des choses leur fiabilité n’en demeure pas moins limitée. Lorsque les différents indices ont été élaborés, on ne savait pas comment la pandémie et les réponses politiques à celle-ci allaient évoluer dans le temps. Afin de garantir que les indicateurs clés soient comparables entre les pays et dans le temps, il n’a pas été possible – et ne l’est toujours pas – d’inclure dans les données toutes sortes de nuances qui ont évolué dans le temps ou qui sont susceptibles de le faire. Par exemple, le fait d’autoriser un maximum de 5 ou 10 personnes pour les réunions privées en intérieur a une incidence sur la probabilité d’infection. Toutefois, cette différence n’est pas reflétée dans l’indice de rigueur. En outre, et c’est peut-être encore plus important, les décideurs ont appris à moduler les restrictions de manière à ce qu’elles entravent le moins possible notre vie sociale et économique tout en étant aussi efficaces que possible pour empêcher la propagation du virus. Tout cela est difficile à saisir dans des modèles, ce qui présente une difficulté inhérente à la comparaison des situations dans le temps. Étant donné que, dans notre modélisation de l’épidémie, l’indice de rigueur établit le lien direct entre les mesures et les contacts (et donc potentiellement les infections), de légères modifications de l’indice de rigueur ont un impact significatif sur l’évolution modélisée. On peut le constater, par exemple, en comparant les figures 1 et 2 du rapport scientifique du 20 avril 2021[47]. Par conséquent, si l’indice de rigueur ne représente pas adéquatement les mesures d’ouverture mises en œuvre le 19 avril 2021, on peut s’attendre à une divergence entre l’évolution modélisée et l’évolution réelle.

2.5. Dans quelle mesure les possibilités de contacts accrus ont-elles été utilisées ?

L’augmentation des infections après l’assouplissement dépend de la mesure dans laquelle les gens exploitent les possibilités de contacts supplémentaires potentiellement infectieux. Les mesures d’endiguement réduisent essentiellement les contacts et la mobilité. L’ampleur de l’effet de l’assouplissement des mesures d’endiguement sur la dynamique de l’épidémie dépend de combien les gens profitent des possibilités de contacts supplémentaires, et de quelle partie de la population le fait. Si ce sont surtout les personnes immunisées qui font valoir les possibilités de contacts supplémentaires, l’augmentation attendue du nombre d’infections sera plus faible que si ce sont les personnes non encore immunisées qui ont davantage de contacts. En outre, il est également plausible que les principales situations à risque d’infection soient désormais plus largement connues et que, dans l’ensemble, les gens soient mieux à même de se protéger contre l’infection que l’année dernière.

Pour l’heure, il n’est pas possible de quantifier le nombre de contacts qui ont eu effectivement lieu, et de les ventiler par statut immunitaire ou par âge (qui est corrélé au statut immunitaire). Toutefois, l’analyse des données sur la mobilité donne une impression de l’augmentation des contacts par groupe d’âge. Sur la base d’une analyse provisoire, aucune différence n’a pu être constatée entre les groupes d’âge dans un ensemble de données basé sur des questions directes sur le comportement de mobilité. Cependant, pour un deuxième ensemble de données, beaucoup plus volumineux, basé sur les données des téléphones mobiles, des éléments provisoires font était d’une augmentation plus forte de la mobilité en avril à proportion de l’âge. Ce schéma pourrait signifier que les personnes déjà vaccinées ont davantage profité des possibilités de mobilité accrue – et donc de contacts supplémentaires potentiels – que celles qui n’avaient pas encore été vaccinées. Nous continuerons à analyser ces données dans le but de résoudre les incohérences entre l’analyse des différents ensembles de données et de tirer des conclusions plus solides.

Du point de vue du rapport risque-bénéfice économique, on pourrait en effet s’attendre à ce que les personnes qui n’ont pas encore été vaccinées soient plus réticentes à établir des contacts (potentiellement infectieux) en ce moment : elles ont en effet particulièrement avantage à éviter l’infection dans les semaines à venir – jusqu’à leur deuxième vaccination. Un tel comportement permettrait non seulement de réduire le risque d’infection pour les individus, mais aussi de contribuer à ralentir ou à inverser la tendance épidémiologique.

2.6. Augmentation de l’immunité de la population

L’augmentation de l’immunité dans la population après la vaccination ou la guérison joue un rôle important dans l’évolution épidémiologique. Les deux types d’immunité sont pris en compte de manière détaillée et dynamique (c’est-à-dire ajustés dans le temps) dans les modèles que nous utilisons. Cependant, l’incertitude dans l’estimation de l’étendue de l’immunité peut contribuer à l’incertitude des développements attendus.

Fait marquant, tous les pays voisins de la Suisse présentent une tendance épidémiologique similaire à celle de la Suisse (figure 1). Outre l’effet saisonnier évoqué plus haut, qui au printemps pourrait avoir un impact épidémiologique analogue dans les cinq pays, il y a l’avancement similaire des campagnes de vaccination de ces pays. À la mi-avril, entre 23 et 27 doses de vaccin pour 100 personnes avaient été injectées dans les cinq pays, ce qui signifie qu’environ 5% de la population avait été entièrement vaccinée, et que 10% supplémentaires avaient été vaccinés une fois. Si l’on ajoute à cela la proportion de la population présentant une immunité partielle après une infection par le SARS-CoV-2, entre 25 et 40% de la population de tous ces pays devrait présenter une immunité au moins partielle, ce qui pourrait contribuer à la tendance épidémiologique observée – peut-être dans une plus large mesure que ne le prévoyaient les modèles précédents.

3. Les tendances épidémiologiques actuelles constituent une bonne base pour un relâchement prudent des mesures d’endiguement tout en continuant à protéger la santé

Cette section est un résumé du document «Commentaires sur le “Document de réflexion ‘Modèle des trois phases’ daté du 21.04.2021” partagé avec les autorités fédérales le 5 mai 2021. Ce document peut être consulté en annexe. 

Les options pour protéger la santé publique ont changé depuis le début de la pandémie. L’objectif supérieur du Conseil fédéral face à l’épidémie de COVID-19 est de protéger la santé de la population en Suisse et de limiter autant que possible les conséquences néfastes de l’épidémie pour la santé, la société et l’économie. Dans la phase initiale – à défaut de vaccination ou traitement efficace – l’accent était mis sur la protection du système de santé. La disponibilité d’un vaccin efficace permet désormais de protéger plus radicalement la santé publique : en donnant aux gens la possibilité de se faire vacciner avant qu’ils ne soient infectés et d’éviter ainsi – avec une probabilité élevée – qu’ils tombent malades du COVID-19. Ceci est particulièrement important, car il est désormais clair que les maladies COVID-19 peuvent également entraîner des évolutions plus sévères ou des convalescences prolongées chez les plus jeunes, même s’ils ne présentent pas de facteurs de risque reconnus.

Une valeur de mesure simple pour estimer le risque d’infection des personnes non vaccinées est l’incidence par rapport à l’ampleur de la partie non vaccinée de la population. Cette estimation repose sur des hypothèses très simplificatrices : les infections des personnes vaccinées ainsi que l’immunité après guérison chez une partie des personnes non vaccinées ne sont pas prises en compte. L’estimation n’est donc pas une quantification exacte, mais elle donne une idée de l’évolution du risque d’infection pour les personnes non vaccinées au cours de la campagne de vaccination. En Suisse, cette mesure, soit l’incidence par rapport à l’ampleur de la partie non vaccinée de la population, a augmenté jusqu’à la mi-avril et a légèrement diminué depuis. Cette estimation suggère qu’en Suisse, actuellement, le risque d’infection n’augmente pas pour les personnes qui n’ont pas encore été vaccinées. Israël et le Royaume-Uni, deux pays où la campagne de vaccination est plus avancée qu’en Suisse, montrent même une forte diminution de l’incidence par rapport à l’ampleur de la partie non vaccinée de la population (Figure 2).

Figure 2 : Incidence des tests positifs pour le SARS-CoV-2 par rapport à la taille de la population non vaccinée au Royaume-Uni, en Israël et en Suisse. Si tant est que les infections surviennent principalement dans la partie (encore) non vaccinée de la population, cette analyse donne une idée de l’évolution dans le temps du risque d’infection encouru par ces personnes. Cette analyse ne tient pas compte de l’immunité après guérison. Comme la vaccination ne garantit pas une protection absolue, une partie des infections se produiront en fait dans le segment vacciné de la population. Ce compte rendu suggère qu’en Israël et au Royaume-Uni, le risque d’infection pour les personnes non encore vaccinées, y compris les enfants et les adolescents, a considérablement diminué au cours de la campagne de vaccination, et que la Suisse présente une tendance similaire. Données[48]. Il s’agit d’une version actualisée de la figure 1 du document “Commentaires sur le ‘Document de réflexion ‘Modèle des trois phases’ daté du 21.04.2021’, basé sur les données du NN.05.2021

[Légendes : Axe vertical : Nombre de cas confirmés / 100 000 non vaccinés / 14 jours.
Axe horizontal : févr. 2021      mars 2021       avr. 2021         mai 2021

Courbes : rose : Suisse            bleu : Grande-Bretagne,        vert : Israël]

À mesure que la campagne de vaccination progresse, il devient de plus en plus aisé de faire en sorte que le risque d’infection pour les personnes qui n’ont pas encore été vaccinées n’augmente pas. Premièrement, à mesure que la couverture vaccinale progresse, de moins en moins de personnes pourront transmettre le virus. Les personnes qui n’ont pas encore été vaccinées – dont une proportion croissante de contacts sont beaucoup moins contagieux grâce à la vaccination – sont donc de moins en moins infectées. Cet effet a été directement documenté en Israël (dans une étude qui n’a pas encore été confirmée par les experts[49]) et se manifeste par une réduction du nombre de reproduction effectif avec l’augmentation des niveaux de vaccination dans la population[50]. Il est important de noter qu’à mesure que la couverture vaccinale augmente, le nombre de reproduction effectif diminue, même sans renforcement des mesures. Deuxièmement, la hausse saisonnière des températures en Suisse aura tendance à réduire le taux d’infection[51].

Il est donc possible de poursuivre l’allégement des mesures sans que cela entraîne une augmentation du risque d’infection pour les personnes qui n’ont pas encore eu accès à la vaccination. En Israël et au Royaume-Uni, les mesures d’endiguement ont continué d’être assouplies avec la prudence nécessaire pendant la campagne de vaccination, alors que dans le même temps l’incidence a pu être réduite. Au Royaume-Uni, ce résultat a été obtenu en début d’année dans des conditions saisonnières plus difficiles. Il est donc possible de maintenir constant le risque pour les personnes qui n’ont pas encore été vaccinées ou même de le faire diminuer au cours de la campagne de vaccination en prenant des mesures prudentes de réouverture (la figure 2 suggère que cela est aussi faisable en Suisse en ce moment). Comme nous le disions plus haut, une telle approche permet de faire en sorte que la circulation du virus diminue, de réduire le nombre de nouveaux cas et de décharger le système de soins de santé.

Comme cela a été dit à plusieurs reprises, une diminution de la circulation virale a plusieurs avantages. Une incidence plus faible réduit la charge de la maladie et l’incidence d’une convalescence prolongée ; elle réduit la charge des soins de santé et augmente la marge de sécurité ; elle réduit l’émergence de nouvelles variantes et facilite leur identification et leur contrôle. Nous pouvons mieux protéger les enfants et les adolescents de l’infection jusqu’à ce qu’ils aient la possibilité d’être vaccinés. Une incidence plus faible permet également de rouvrir plus facilement et en toute sécurité les manifestations et les établissements. La réduction de la circulation virale permet donc de contrôler plus aisément et à moindre coût l’épidémie en Suisse.

Annexe

Commentaires sur le « Document de réflexion “Modèle des trois phases” daté du 21.04.2021 ».

Mercredi 5 mai 2021

4. Aspects généraux

4.1. Objectifs d’une stratégie de sortie

Le choix d’une stratégie de sortie appropriée dépend des objectifs poursuivis. Comme le souligne le document de réflexion sur le modèle des trois phases, l’objectif supérieur du Conseil fédéral face à l’épidémie de COVID-19 est de protéger la santé de la population en Suisse et de limiter autant que possible les conséquences néfastes de l’épidémie pour la santé, la société et l’économie.

Les options pour protéger la santé publique ont changé depuis le début de la pandémie. Dans la phase initiale – à défaut de vaccination ou traitement efficace – l’accent était mis sur la protection du système de santé. Au printemps 2020, cet objectif était souvent illustré par le concept d’« aplatissement de la courbe ». L’intention était de ralentir la propagation de l’épidémie afin que les infections soient réparties sur de plus longues périodes, réduisant ainsi le pic de charge sur le système de santé.

La disponibilité d’un vaccin efficace permet désormais de protéger plus radicalement la santé publique : en donnant aux gens la possibilité de se faire vacciner avant qu’ils ne soient infectés et d’éviter ainsi – avec une probabilité élevée – qu’ils tombent malades du COVID-19. Ceci est particulièrement important, car il est désormais clair que les infections COVID-19 peuvent entraîner des évolutions plus sévères ou des convalescences prolongées également chez les plus jeunes, même s’ils ne présentent pas des facteurs de risque reconnus. Par ailleurs, l’épidémie en Suisse a été dominée ces derniers mois par une variante plus contagieuse du virus, pouvant entraîner des évolutions plus sévères par rapport à la situation de l’année dernière.

Une vaccination contre le COVID-19 a été développée et rendue disponible dans des délais plus courts que ce à quoi on pouvait s’attendre il y a un an[52]. De la sorte, la charge sanitaire, sociale et économique due au COVID-19 peut être réduite plus rapidement. Afin de réduire autant que possible les contraintes sociales et économiques, il importe d’alléger les mesures d’endiguement aussi rapidement que possible sans pour autant compromettre les objectifs sanitaires. À la faveur des progrès de la vaccination et de la hausse saisonnière des températures en ces prochains mois, il y aura la possibilité de le faire sans accroître le risque pour ceux qui ne sont pas encore vaccinés.

Dans le présent document, nous examinons, dans le contexte du modèle à trois phases, la manière d’y parvenir : offrir aux personnes en Suisse une protection contre l’infection jusqu’à ce qu’elles puissent être vaccinées, tout en assouplissant les mesures le plus rapidement possible sans compromettre cet objectif. Nous nous concentrerons sur trois questions qui sont au cœur du modèle en trois phases : la question des valeurs-limites pour l’ajustement des mesures, l’utilisation du système de soins de santé, et la protection des personnes qui n’ont pas (encore) eu l’occasion d’être vaccinées. Nous aborderons ensuite d’autres points plus spécifiques.

4.2. Circulation du virus et valeurs-limites pour l’ajustement des mesures

Un risque individuel constant d’infection est le signe d’une incidence décroissante

Dans la section précédente, nous avons discuté de la manière dont l’objectif supérieur du Conseil fédéral en matière de santé pourrait être mis en œuvre concrètement – à savoir, en évitant, pour toutes les personnes en Suisse, une augmentation du risque d’infection jusqu’à ce qu’elles puissent être vaccinées. Nous décrivons ici brièvement ce que cela signifierait pour la circulation du SARS-CoV-2 et pour l’assouplissement des mesures d’endiguement.

Si le risque d’infection pour toutes les personnes n’augmente pas jusqu’au moment où elles ont accès à la vaccination, alors l’incidence, les hospitalisations et les décès par jour diminuent régulièrement au fil du temps. Cela s’explique principalement par le fait que, grâce à la campagne de vaccination en cours, la proportion de la population non immunisée est de plus en plus faible. Par conséquent, le nombre de personnes susceptibles d’être infectées et de tomber malades diminue continuellement.

À l’inverse, une incidence constante, ou croissante au cours de la campagne de vaccination (comme cela serait possible dans la version actuelle du modèle à trois phases), signifie que le risque d’infection et de maladie augmente continuellement au fil du temps pour les personnes qui n’ont pas encore eu accès à la vaccination. En effet, les infections et les cas de COVID-19 se concentrent au sein d’un groupe de personnes de plus en plus restreint, de sorte que le risque individuel augmente continuellement. Concrètement, des valeurs-limites constantes ou en augmentation signifieraient aussi que les jeunes adultes (dont la vaccination est prévue en dernier lieu pour certains cantons) et les enfants et adolescents (pour lesquels la vaccination n’est pas encore autorisée) seraient exposés à un risque d’infection de plus en plus grand.

Israël et le Royaume-Uni – deux pays dont la campagne de vaccination est plus avancée que pour la Suisse – ont pu obtenir une telle réduction continue de l’incidence, des hospitalisations et des décès. Les deux pays ont connu une baisse régulière de l’incidence et des décès depuis la fin du mois de janvier (Israël a cependant subi deux plateaux d’incidence d’environ trois semaines[53]). La figure 1 montre l’incidence, depuis le 1er février 2021, en Israël, au Royaume-Uni et en Suisse par rapport à l’ampleur de la partie non vaccinée de la population. En supposant que les contaminations surviennent principalement chez les personnes qui n’ont pas encore été vaccinées, cette analyse donne une idée du risque d’infection dans cette partie de la population. En Israël et au Royaume-Uni, ce risque, estimé de manière très approximative, n’a cessé de diminuer depuis février. Cela signifie que les gens ont pu être efficacement protégés contre l’infection et que cette protection augmentait même au fil du temps jusqu’à ce qu’ils aient la possibilité d’être vaccinés.

Figure 1 : Incidence des tests positifs pour le SARS-CoV-2 par rapport à la taille de la population non vaccinée au Royaume-Uni, en Israël et en Suisse. Si tant est que les infections surviennent principalement dans la partie non (encore) vaccinée de la population, cette analyse donne une idée de l’évolution dans le temps du risque d’infection que courent ces personnes. Cette analyse ne tient pas compte de l’immunité après guérison. Comme la vaccination ne garantit pas une protection absolue, une partie des infections se produiront en fait dans le segment vacciné de la population. Cet exemple montre qu’en Israël et au Royaume-Uni, le risque d’infection pour les personnes non encore vaccinées, y compris les enfants et les adolescents, a considérablement diminué au cours de la campagne de vaccination. Données : https://ibz-shiny.ethz.ch/covidDashboard/

[Légendes : Axe vertical : Nombre de cas confirmés / 100’000 non vaccinés / 14 jours
Axe horizontal : fév. 2021       mars 2021       avr. 2021         mai 2021

Étiquette de données : rouge : Israël vert : Suisse bleu : Royaume-Uni]

Comment faire en sorte que le risque d’infection n’augmente pas pour l’ensemble de la population jusqu’à ce que toutes les personnes aient accès à la vaccination ? Heureusement, il est de plus en plus facile, avec le temps, de garder le cap, et ce pour deux raisons. Premièrement, à mesure que la couverture vaccinale augmente, il y aura de moins en moins de personnes susceptibles de transmettre le virus. Les personnes qui n’ont pas encore été vaccinées – dont les contacts seront de plus en plus nombreux à être nettement moins infectieux grâce à la vaccination – auront donc toujours moins d’occasions d’être infectées. Cet effet a été directement documenté en Israël (dans une étude qui n’a pas encore été confirmée par les experts[54]) et se manifeste par une réduction du nombre de reproduction effectif allant de pair avec l’augmentation des niveaux de vaccination dans la population[55]. Il est important de noter qu’à mesure que la couverture vaccinale augmente, le nombre de reproduction effectif diminue, même sans renforcement des mesures. Deuxièmement, la hausse saisonnière des températures en Suisse aura tendance à réduire le taux d’infection[56].

Ces considérations ont une conséquence importante : il est possible de continuer à assouplir les mesures sans que cela entraîne une augmentation du risque d’infection pour les personnes qui n’ont pas encore eu accès à la vaccination. Cela est dû à la diminution des contacts infectieux avec l’augmentation de la couverture vaccinale et aux effets saisonniers. Israël et le Royaume-Uni ont atteint cet objectif. Dans les deux pays, les mesures d’endiguement ont continué d’être assouplies avec la prudence nécessaire pendant la campagne de vaccination, alors que dans le même temps l’incidence a pu être réduite[57]. Au Royaume-Uni, ce résultat a été obtenu en début d’année dans des conditions saisonnières plus difficiles.

Ces considérations suggèrent donc qu’il est tout à fait possible de maintenir constant le risque pour les personnes non encore vaccinées, voire, pendant la campagne de vaccination, de le réduire en prenant des mesures d’ouverture prudentes. Comme nous le disions plus haut, une telle approche permet de faire en sorte que la circulation du virus diminue, de réduire le nombre de nouveaux cas et de décharger le système de soins de santé. Dans ce qui suit, nous allons démontrer qu’une diminution de la circulation virale a plusieurs avantages.

La baisse de l’incidence permet de maîtriser plus facilement et plus sûrement l’épidémie.

Au-delà des avantages évidents pour la santé des personnes concernées, d’autres conséquences positives apparaissent si tant l’incidence que les hospitalisations poursuivent leur baisse. Une faible circulation de virus est, par essence même, plus facile à maîtriser que si elle est puissante. La stratégie TTIQ est plus efficace lorsque la circulation du virus est faible, car chaque cas individuel ou foyer d’infection peut être suivi plus rapidement et de manière plus approfondie. Un cluster ou d’autres schémas possibles d’infection peuvent être détectés plus facilement et avec une plus grande précision temporelle et locale à de faibles niveaux de prévalence : ils peuvent être plus rapidement endigués par des ajustements ciblés, efficaces localement et limités dans le temps des mesures ou par une intensification du dépistage par tests. Avec une circulation élevée de virus, les événements individuels se fondent dans la tourmente des transmissions plus fréquentes et ne peuvent plus être traités individuellement ni aussi rapidement que possible. Les schémas et les grappes d’infection ne sont pas détectés, ce qui rend beaucoup plus difficile de les contrôler de manière ciblée ; à la place, un renforcement des mesures d’endiguement générales, globales – et donc drastiques – afin d’empêcher la propagation peut se révéler nécessaire.

Avec une faible circulation du virus, les groupes de personnes vulnérables qui ne peuvent être vaccinées, ou qui ne peuvent l’être que plus tardivement, peuvent être protégées beaucoup plus facilement et avec une marge de sécurité nettement plus élevée. Cela concerne plusieurs centaines de milliers de personnes qui ne peuvent pas être vaccinées à cause d’une immunodéficience due à une maladie ou à ses traitements ou en raison d’allergies, et 1,4 million d’enfants et d’adolescents, au moins jusqu’à ce qu’ils puissent être vaccinés (voir également ci-dessous). Toutes ces personnes peuvent se déplacer dans les espaces publics et mener leurs activités en jouissant d’une sécurité personnelle nettement supérieure si la circulation virale est maintenue au niveau le plus bas possible. Lorsque la circulation du virus est faible, des mesures de protection plus modérées et plus faciles à mettre en œuvre suffisent à prévenir l’infection dans les établissements d’enseignement, au travail, dans les transports publics et les autres sites de la vie publique. Cela facilite dans une large mesure le retour à la vie normale.

Tous les groupes d’âge profitent, sur le plan salutaire, d’une faible circulation virale. Tomber malade du COVID peut provoquer des dysfonctionnements graves et durables dans toutes les tranches d’âge, même chez des personnes qui étaient auparavant en parfaite santé (source). Lorsque la circulation du virus est élevée, même les cas – relativement rares – d’évolution grave de la maladie chez des personnes non vulnérables deviennent suffisamment fréquents pour faire peser une charge importante sur le système de santé. En outre, il y a, inévitablement, les infections survenant chez les personnes vulnérables qui ne sont pas protégées ou dont la protection échoue. Certaines de ces personnes tomberont gravement malades, ce qui représentera une charge importante sur le système de santé.

Une circulation élevée du virus accroît le risque d’émergence et de sélection de variantes virales qui peuvent être plus transmissibles, plus dangereuses ou moins vulnérables sur le plan immunologique et menacent donc de compromettre l’efficacité de la vaccination à long terme. L’émergence de variantes dans des épidémies mal contrôlées est un problème mondial – ces variantes peuvent se propager dans le monde entier, indépendamment de leur origine. En réduisant la circulation du virus sur le plan national, la Suisse peut contribuer à atténuer ce problème.

Pour ces raisons, il est judicieux, du point de vue de l’épidémiologie, de la santé publique et de l’économie, de viser et de maintenir une circulation virale aussi faible que possible pendant la période de transition. Cela réduit également le risque d’une perte de contrôle sur l’épidémie, avec pour conséquence une surcharge du système de santé et la nécessité de renforcer les mesures générales d’endiguement.

 

Préconisation : ne pas maintenir les valeurs-limites constantes ou les augmenter pendant la campagne de vaccination, mais les adapter en fonction de la diminution de la part de la population non vaccinée. De la sorte, l’on évite que, pour toutes les personnes en Suisse, le risque d’infection n’augmente jusqu’au moment où elles pourront être vaccinées.

4.3. Conséquences pour le système de santé

Dans la première phase de la pandémie, l’un des objectifs majeurs était de veiller à ce que le système de santé ne soit pas surchargé. La situation actuelle, avec la disponibilité d’un vaccin efficace, des tests et une bien meilleure connaissance du SARS-CoV-2, permet d’adapter cet objectif prioritaire. D’un point de vue médical et éthique, dans une société disposant d’abondantes ressources matérielles comme la Suisse, la surcharge du système de santé ne devrait pas définir la ligne directrice médiane de la gestion épidémiologique. La surcharge du système de soins de santé devrait plutôt représenter la limite extrême d’évolution épidémiologique tolérable, soit la ligne rouge à ne pas franchir. Si la pandémie est gérée le long de cette ligne rouge, celle-ci finira inévitablement par être franchie, comme fut le cas en Suisse pendant au moins 3 mois, soit de novembre 2020 à janvier 2021. Pendant cette période, non seulement environ 8000 patientes et patients parmi la population de Suisse sont morts du COVID-19, mais c’est aussi l’accomplissement de tous les traitements non urgents pour de nombreux patients qui a dû être reporté[58],[59]. Il n’est pour l’heure pas possible de démontrer par des données si cette restriction dans les soins de santé a entraîné un désavantage pour les patientes et les patients individuellement. Il n’en demeure pas moins certain que cela a représenté un inconvénient pour la plupart des personnes concernées.

Les conditions du personnel de soins sont un paramètre décisif pour la qualité des services de santé. Depuis le début de l’épidémie en février 2020, ces personnes ont constamment été soumises à une pression exceptionnellement élevée, tant sur le plan professionnel que psychique, car les vagues de pandémie, avec les pics de stress flagrants que cela comporte, sont suivies de phases également génératrices de stress, mais de façon moins évidente, au cours desquelles il faut tenter de rattraper, aussi vite que possible, tous les traitements reportés. En outre, dès qu’une nouvelle vague pandémique se dessine, on cherche à réaliser un maximum d’interventions et de traitements pendant qu’il est encore temps. En conséquence, les professionnels de la santé ont été soumis à d’énormes charges de travail et de manière persistante, sans que des phases de récupération aient eu lieu depuis février 2020.

Ainsi, d’un point de vue médical et éthique, il serait judicieux de définir des lignes de conduite épidémiologiques alternatives afin de gérer la charge que représente l’épidémie de COVID-19 sur le système de soins de santé, de sorte que les institutions de soins de santé soient en mesure de fournir les traitements habituels prévus, et qui viennent s’ajouter au traitement des cas COVID-19, sans que cela entraîne une surcharge. Les limites actuelles sont clairement fixées à un niveau trop élevé pour cet objectif et coïncident avec la ligne rouge dont nous parlions, qui, lorsqu’elle a été atteinte, a déjà conduit à une réduction durable et draconienne de la qualité.

Nous l’avons mentionné plus haut et avons développé ce sujet dans des documents précédents[60] : il est plus facile et moins coûteux de contrôler une épidémie lorsque la circulation virale est plus faible. Et, nous l’avons dit, l’augmentation de la couverture vaccinale et les effets saisonniers contribuent directement à une réduction de la circulation. Cela signifie qu’une réduction de la charge sur le système sanitaire et la protection du droit d’accès aux soins de santé pour tous peuvent être réalisées sans pertes économiques ou sociales majeures. Cela présuppose toutefois que l’adhésion de la population aux mesures de protection ne diminue pas avec la baisse de l’incidence, d’où l’utilité d’une communication ciblée.

 

Préconisation : fixer des valeurs-limites nettement plus basses pour les hospitalisations et l’occupation des unités de soins intensifs.

4.4. Protection des personnes non (encore) vaccinées

Dans le contexte du modèle en trois phases, la question de savoir comment, en Suisse, les personnes qui n’ont pas (encore) pu être vaccinées peuvent être protégées dans la phase 3 est essentielle. Cela représente 1,4 million d’enfants et d’adolescents et 300 000 à 400 000 personnes qui ne peuvent être protégées de manière fiable par la vaccination en raison d’une immunodéficience ou d’allergies. Sur le plan épidémiologique, il faut également tenir compte des 15 à 30% de la population adulte (soit 1 à 2 millions de personnes) qui pourraient ne pas vouloir être vaccinés. Ces personnes volontairement non vaccinées ont droit aux mêmes soins de santé que tout le monde.
Parmi ces 2,7 à 3,8 millions de personnes sans protection immunologique, le virus circulera, sans mesures de protection, avec une contamination progressive. Il y a deux problèmes associés à cela.

Le premier est que, pour le moment, les enfants et les adolescents n’ont pas encore eu la possibilité de se vacciner. Du point de vue pédiatrique, il est logique d’offrir une protection par la vaccination également aux enfants et aux adolescents, à condition que les études en cours montrent que la vaccination est sûre et efficace dans cette population. Bien que les formes graves de la maladie soient très rares chez les enfants, un taux d’infection naturel de 60% auprès des enfants et des adolescents laisse entrevoir le chiffre approximatif de 850 000 infections par le SARS-CoV-2. Même si la pathogénicité des virus circulants reste la même, cela signifierait environ 150-200 cas traités dans les unités de soins intensifs (environ 20/100 000) et 350-400 enfants avec une inflammation systémique sévère, associée au COVID (appelée syndrome PIMS, ou en anglais MIS-C ; environ 40/100 000). Le risque de ces évolutions sévères de COVID est nettement plus élevé que le risque d’infections bactériennes invasives à méningocoques ou à pneumocoques, pour lesquelles la vaccination est clairement recommandée en Suisse. De plus, on ne connaît pas encore précisément quel est, pour les enfants, le risque d’altération de la santé à long terme à la suite d’une maladie COVID-19 (COVID long).

Cela soulève la question de savoir comment protéger les enfants et les adolescents de la contamination naturelle jusqu’au moment où la vaccination sera disponible pour eux. La manière la plus efficace d’obtenir cette protection est de réduire autant que possible la circulation générale des virus. Comme décrit ci-dessus, des mesures ciblées peuvent alors être utilisées pour empêcher les enfants et les jeunes d’être infectés : les mesures de protection dans les écoles contribuent à maintenir la circulation à un faible niveau, et les épidémies peuvent être rapidement détectées et circonscrites de façon ponctuelle. D’un point de vue épidémiologique, il est judicieux, mais aussi important de mettre en œuvre dès maintenant de telles mesures de protection (y compris, par exemple, un dépistage généralisé dans les écoles) afin de réduire les infections chez les enfants et les jeunes.

Un deuxième problème est que les infections parmi les 15 à 30% de la population adulte (soit 1 à 2 millions de personnes) qui choisiront de ne pas se faire vacciner pourraient créer de nouvelles vagues épidémiques et surcharger à nouveau le système de soins de santé. La surcharge des soins de santé, à son tour, affecterait les patients COVID-19 ainsi que les personnes qui ont besoin de soins médicaux pour d’autres raisons. 

Ces deux problèmes peuvent être réduits comme suit : tout d’abord, en vaccinant le plus grand nombre d’adultes dès que possible et en mettant tout en œuvre pour obtenir une couverture vaccinale élevée. Deuxièmement, en maintenant la circulation virale à un faible niveau jusqu’à ce que tout un chacun – y compris les enfants et les adolescents – ait eu l’occasion d’être vacciné. Comme décrit ci-dessus, à mesure que la couverture vaccinale augmente, il devient de plus en plus facile d’empêcher une augmentation de la circulation du virus jusqu’à ce que tous aient eu accès à la vaccination.

Dès lors que tout le monde – les enfants et les adolescents compris – a eu l’occasion d’être vacciné, les objectifs changent. Les personnes qui ont choisi de ne pas se faire vacciner seront, au fil du temps, de plus en plus nombreuses à être infectées, et bénéficieront d’une immunité au moins temporaire à la suite de leur guérison. Cela contribuera à une possible immunité de la population en Suisse.

En cette période, l’un des objectifs, comme indiqué plus haut, est de préserver le système de santé. Un autre objectif est de protéger les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées pour des raisons médicales lors d’éventuelles vagues épidémiques. L’utilisation de masques dans les lieux publics, y compris dans les transports publics et les magasins, est une mesure efficace et efficiente face à ces vagues épidémiques. Un troisième objectif est la surveillance génomique continue des souches de SARS-CoV-2 en Suisse et au niveau international afin de détecter précocement d’éventuels variants avec évasion immunitaire. En outre, la surveillance sérologique de la protection immunitaire dans différentes populations devrait maintenant commencer de manière longitudinale. Il est vraisemblable que pour certains groupes de population – les personnes (très) âgées en particulier – la protection immunitaire décline plus rapidement. Le suivi immunologique permet d’identifier le moment où des rappels de vaccination seront nécessaires, et pour quels groupes de population.

Préconisation : L’objectif explicite est de maintenir la circulation virale à un faible niveau jusqu’à ce que les enfants et les adolescents aient eu l’occasion d’être vaccinés.

4. Commentaires spécifiques

4.1. L’importance d’une campagne de vaccination rapide et d’une large couverture vaccinale

Pour des raisons sanitaires, sociales et économiques, il est de la plus haute importance de vacciner le plus rapidement possible et d’atteindre la plus grande couverture vaccinale possible dans toute la population. Du point de vue de la charge de la santé publique, il est aussi particulièrement important de maximiser la couverture vaccinale chez les personnes présentant des facteurs de risque connus.

Il est essentiel de parvenir rapidement à une bonne couverture vaccinale pour réduire la charge de la maladie, faciliter les mesures d’endiguement et limiter les risques sanitaires. Selon nos calculs de début avril, chaque jour où la campagne de vaccination peut être accélérée apporte environ 25 millions de francs de valeur économique supplémentaire et un gain sanitaire comparable en termes monétaires (principalement en termes d’années de vie sauvées). La logistique de vaccination des cantons doit donc s’adapter au rythme le plus rapide possible et accepter également certains risques d’ajournements.

Il est tout aussi important d’obtenir une couverture vaccinale aussi élevée que possible. Cela permettra un retour rapide à la normale de la vie sociale et économique tout en protégeant la santé. Si la couverture vaccinale (ainsi que la proportion de personnes immunisées après avoir été infectées) atteint la fourchette de 70-80% (de la population totale, y compris les enfants), cela aurait des conséquences importantes : l’épidémie ne pourrait guère se propager davantage en Suisse, l’incidence serait faible et les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées (par exemple en raison d’allergies ou d’autres raisons médicales) pourraient bien se protéger contre l’infection. Dans ce contexte le Royaume-Uni, qui a jusqu’à présent atteint une couverture vaccinale d’environ 95% chez les personnes de plus de 50 ans, constitue un point de référence pertinent[61].

 

La campagne de vaccination (tant l’organisation de la vaccination que la communication visant à informer et à promouvoir la vaccination) doit être de grande envergure et multimodale afin de toucher tous les groupes démographiques et socio-économiques de manière ciblée – par opposition à une approche unique – et utiliser tous les moyens possibles pour informer les gens. En d’autres termes, l’objectif doit être d’interpeller chaque habitante et habitant du pays. Une campagne de vaccination réussie se compose de trois éléments : 1) un environnement favorable (réduction des obstacles à l’accès aux centres de vaccination et à la prise de rendez-vous, y compris l’extension des heures d’ouverture au soir et aux week-ends), 2) la motivation de la population et des acteurs de la mise en œuvre de la campagne vaccinale (cantons, personnel des centres de vaccination), et 3) les influences sociales qui favorisent la vaccination (création de la demande). L’impact de la campagne doit être mesuré par un suivi attentif et en quasi temps réel des inscriptions et préinscriptions à la vaccination, et du respect des dates de première et deuxième dose. Le case échéant, il faudra adapter les stratégies de sensibilisation, de suivi et de persuasion des personnes à vacciner.

4.2. Aspects économiques des différentes phases de la pandémie

Comme nous l’avons montré ci-dessus, une couverture vaccinale rapide est le levier le plus important pour permettre des ouvertures économiques tout en limitant les risques sanitaires. En complément d’une couverture vaccinale rapide et complète, l’introduction précoce et coordonnée au niveau international de certificats de vaccination numériques fiables (qui peuvent également contenir des informations sur la présence de COVID-19 et sur les tests négatifs) promet un bon rapport coûts-avantages. Ces certificats permettraient aux prestataires de services locaux, aux organisateurs d’événements, etc. d’effectuer tout contrôle d’accès sans engager des frais excessifs. Ils sont également indispensables pour la normalisation des voyages internationaux. Pour les enfants et les adolescents qui ne peuvent pas encore être vaccinés, les tests négatifs constituent un outil permettant de s’assurer que la plupart des participantes et participants aux événements ne sont pas contagieux. En Israël, par exemple, un test PCR négatif donne aux personnes âgées de 1 à 15 ans un « passeport vert » pour 72 heures et donc l’accès aux événements[62]. Tant que certains secteurs et entreprises restent directement ou indirectement touchés par les restrictions officielles, les indemnités existantes doivent rester inchangées (simplifications en cas de réduction de l’horaire de travail et APG, aides pour cas de rigueur, indemnisations pour annulation dans le domaine de la culture, du sport, etc.). Toutefois, dès la fin des restrictions, il n’y a plus de raison de permettre la poursuite des paiements d’indemnités. Lorsqu’en Suisse tout un chacun (y compris les enfants et les adolescents) aura eu l’occasion d’être vacciné, la situation changera. Même si certaines mesures sanitaires restent en place (port de masque ponctuellement obligatoire, certificats d’immunité, règles de quarantaine, etc.), l’activité économique ne devrait plus être sensiblement affectée pendant la phase de retour à la normale. Compte tenu de l’excédent d’épargne et du report de la consommation, tous les instituts de prévision conjoncturelle tablent sur une forte reprise économique – en Suisse et dans le monde. Par conséquent, dans la perspective actuelle, un programme fiscal pour relancer la conjoncture n’a pas de raison d’être. Toutefois, l’opportunité des investissements publics dans la réponse et la prévention des pandémies (stratégie TTIQ, garantie de la capacité de production de vaccins, contrôles aux frontières, séquençage des virus, surveillance immunologique, poursuite du développement des solutions numériques) subsistera.

Liens:

[1] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/

[2] https://sensors-eawag.ch/sars/overview.html

[3] https://sciencetaskforce.ch/fr/taux-de-reproduction/ et https://ibz-shiny.ethz.ch/covid-19-re-international/: Les estimations de Re au cours des derniers jours peuvent être sujettes à de légères fluctuations, lesquelles se produisent en particulier dans les petites régions, lors de changements survenant dans la dynamique, ou lorsque le nombre de cas est faible.

[4] https://sciencetaskforce.ch/fr/taux-de-reproduction/ ethttps://ibz-shiny.ethz.ch/covid-19-re-international/: Les estimations de Re au cours des derniers jours peuvent être sujettes à de légères fluctuations, lesquelles se produisent en particulier dans les petites régions, lors de changements survenant dans la dynamique, ou lorsque le nombre de cas est faible.

[5] https://ibz-shiny.ethz.ch/covidDashboard/trends : Les nombres de cas confirmés et d’hospitalisations/décès des 3 et 5 derniers jours respectivement ne sont pas pris en compte en raison des décalages temporels de notification.

[6] https://ibz-shiny.ethz.ch/covidDashboard/, Dashboard Time Series

[7] https://icumonitoring.ch

[8] https://www.covid19.admin.ch

[9] https://cevo-public.github.io/Quantification-of-the-spread-of-a-SARS-CoV-2-variant/

[10] https://ispmbern.github.io/covid-19/variants/

[11] https://cov-spectrum.ethz.ch/

[12] https://cov-spectrum.ethz.ch/

[13] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-9-janvier-2021/

[14] https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.03.05.21252520v2

[15] https://ispmbern.github.io/covid-19/variants/

[16] https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.03.05.21252520v2

[17] https://ispmbern.github.io/covid-19/variants/

[18] https://www.nature.com/articles/s41586-021-03426-1

[19] https://www.bmj.com/content/bmj/372/bmj.n579.full.pdf

[20] https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.03.04.21252528v2.full.pdf

[21] https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3792894

[22] https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099 (21) 00170-5/fulltext

[23] https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667 (21) 00055-4/fulltext

[24] https://cov-spectrum.ethz.ch/

[25] https://cov-spectrum.ethz.ch/

[26] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-7-avril-2021/

[27] https://cevo-public.github.io/Quantification-of-the-spread-of-a-SARS-CoV-2-variant/

[28] https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/986380/Variants_of_Concern_VOC_Technical_Briefing_11_England.pdf

[29] https://www.who.int/publications/m/item/weekly-epidemiological-update-on-covid-19—11-may-2021

[30] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/

[31] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/

[32] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-24-mars-2021/ , https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/, https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.04.14.21255503v1

[33] https://ibz-shiny.ethz.ch/covidDashboard/

[34] https://www.eawag.ch/fr/departement/sww/projets/sars-cov-2-dans-les-eaux-usees/

[35] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/

[36] https://smw.ch/article/doi/smw.2020.20224

[37] https://library.wmo.int/doc_num.php?explnum_id=10555

[38] https://library.wmo.int/doc_num.php?explnum_id=10555

[39] https://library.wmo.int/doc_num.php?explnum_id=10555, https://jvi.asm.org/content/81/11/5429.short

[40] https://library.wmo.int/doc_num.php?explnum_id=10555

[41] https://jvi.asm.org/content/88/14/7692?fbclid=IwAR3mdKAKWqdHdHP1e4nWmjrC9M3fP2cgKOrNga–KGPWaq874vcEnQSTNAQ, https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.0030151

[42] https://jvi.asm.org/content/88/14/7692?fbclid=IwAR3mdKAKWqdHdHP1e4nWmjrC9M3fP2cgKOrNga–KGPWaq874vcEnQSTNAQ, https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.0030151

[43] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/

[44] https://cov-spectrum.ethz.ch/

[45] https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.04.14.21255503v1.full.pdf

[46] https://kof.ethz.ch/fr/previsions-indicateurs/indicateurs/kof-stringency-index.html

[47] https://sciencetaskforce.ch/fr/rapport-scientifique-20-avril-2021/

[48] https://ibz-shiny.ethz.ch/covidDashboard/

[49] Milman, Oren, Idan Yelin, Noga Aharony, Rachel Katz, Esma Herzel, Amir Ben-Tov, Jacob Kuint et al. « SARS-CoV-2 infection risk among unvaccinated is negatively associated with community-level vaccination rates. » MedRxiv (2021).

[50] Anderson, Roy M., and Robert M. May. Infectious diseases of humans: dynamics and control. Oxford university press, 1992.

[51] Omumbo, J.: First Report of the WMO COVID-19 Task Team on Meteorological and Air Quality (MAQ) factors affecting the COVID-19 pandemic., EGU General Assembly 2021, online, 19–30 Apr 2021, EGU21-16347, https://doi.org/10.5194/egusphere-egu21-16347, 2021

[52] Thompson, Stuart A. « How long will a vaccine really take. » New York Times 30 (2020).

[53] https://ourworldindata.org/coronavirus

[54] Milman, Oren, Idan Yelin, Noga Aharony, Rachel Katz, Esma Herzel, Amir Ben-Tov, Jacob Kuint et al. « SARS-CoV-2 infection risk among unvaccinated is negatively associated with community-level vaccination rates. » MedRxiv (2021).

[55] Anderson, Roy M., and Robert M. May. Infectious diseases of humans: dynamics and control. Oxford university press, 1992.

[56] Omumbo, J.: First Report of the WMO COVID-19 Task Team on Meteorological and Air Quality (MAQ) factors affecting the COVID-19 pandemic., EGU General Assembly 2021, online, 19–30 Apr 2021, EGU21-16347, https://doi.org/10.5194/egusphere-egu21-16347, 2021

[57] https://ibz-shiny.ethz.ch/covid-19-re-international/

[58] https://sciencetaskforce.ch/fr/policy-brief/procedures-medicales-reportees-durant-la-troisieme-vague//

[59] https://sciencetaskforce.ch/fr/policy-brief/les-consequences-de-la-saturation-des-unites-de-soins-intensifs/

[60] http://sciencetaskforce.ch/wp-content/uploads/2020/10/Comment_controler_lepidemie_du_Covid-19_en_minimisant_les_couts_economiques_et_sociaux.pdf

[61] https://www.bbc.com/news/health-56849874

[62] https://corona.health.gov.il/en/directives/green-pass-info/

La Swiss National COVID-19 Science Task Force ayant été dissoute au 31 mars 2022, plus aucune évaluation de la situation épidémiologique, mise à jour scientifique ou policy brief ne sera publiée à l’avenir. Toutes les publications, pages et informations antérieures de la Science Task Force restent disponibles sur ce site web.